vendredi 6 avril 2018

Vendredi de Pâques


Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « L’homme de Dieu »

Les Pères grecs nous expliquent le verset de l’Apôtre que nous venons de citer en cette manière. Pour nous, en qui le visage découvert du Seigneur imprime sa gloire comme dans un miroir, nous sommes transformés en son image, notre gloire venant de la sienne comme de l’esprit du Seigneur ; car ainsi qu’un miroir exposé à la lumière la reçoit parfaitement, de même la gloire de Jésus-Christ se répand et s’imprime comme dans un miroir en l’âme qui est purifiée dans le feu et les flammes de son pur amour.

Ainsi l’âme étant resplendissante de la gloire du Seigneur, de cette réflexion il arrive qu’elle est transformée en son image, qu’elle perde son obscurité et prend la forme de sa splendeur. Sainte Thérèse se vit un jour comme un miroir très clair en qui elle découvrait Notre Seigneur dans une clarté admirable qui venait de sa divinité et la remplissait toute entière, elle ne voyait donc plus en elle que Jésus Christ en qui elle était saintement transformée ; aussi elle disait ordinairement : Je ne sais plus ce que je suis devenue. Notre Seigneur lui fit voir pour lors comme les péchés, et même les plus petits obscurcissaient la clarté admirable que Dieu répand en l’âme ; jamais cette sainte n’en avait commis de griefs et cependant, quand elle pensait dans cette vue à ses légères offenses, elle s’écriait : Je demeure si honteuse que je ne saurais où me mettre.
 
Oh ! qui pourrait faire entendre ceci à ceux qui s’engagent si facilement dans les péchés. Mon Dieu dans quel aveuglement ai-je été ! J’en suis saisie de frayeurs lorsque j’y pense et ne vous en étonnez pas, mais plutôt de ce que je peux vivre, y faisant réflexion.

Or, si les clartés lumineuses et ardentes de la gloire de Dieu manifestée par la foi, accompagnée du don d’entendement et de sagesse du Saint Esprit brûlent si délicieusement les âmes pures et les transforment en l’image de Jésus Christ, jusqu’à quel degré de cette amoureuse transformation pensons-nous que le P. Seurin soit arrivé, lui qui dès sa jeunesse avait connu cette gloire du Seigneur par une lumière spéciale et extraordinaire dans une vue si parfaite qu’il en était tombé dans une sainte défaillance.

Plusieurs fois Dieu lui a donné à connaître ses perfections divines et la splendeur infinie qui accompagnait cette vue lui ravissait l’esprit et le cœur et le consumait saintement dans les pures flammes du divin amour ; il se sentait pressé de dire de temps en temps : Ah ! Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus Christ qui vit en moi. Il lui semblait que cet adorable Sauveur s’était saisi de son âme et de son corps comme de choses par lesquelles et dans lesquelles il agissait et, de vrai, il y opérait de grandes choses, mais la moindre réflexion qu’il y faisait, la nature pouvant alors y mettre quelque mélange, donnait de l’interruption à cette opération sainte : il suffisait qu’insensiblement il eût la volonté de faire faire quoi que ce soit par son propre mouvement pour donner lieu à l’Esprit de Jésus Christ de se cacher.

O mon Dieu ! Combien grande est la pureté de votre grâce ! Combien votre Esprit est-il pur et saint ! Je ne suis pas surpris si les cieux et les esprits les plus purs ne sont pas nets en votre présence, si nos justices à vos yeux ne sont souvent que des ordures ; mais enfin il est vrai que Jésus, vivant et opérant dans une âme, il faut que ses actions soient bien saintes et divines, puisqu’elles viennent d’un tel principe.

Ah ! si le Chrétien savait ce qu’il fait quand il fait non seulement une action criminelle, mais aussi purement naturelle, il ne pourrait jamais en prendre la résolution. J’ai entendu dire au digne auteur du Chrétien intérieur qu’il lui aurait été plus supportable de voir une désolation générale dans tout ce qui le regardait, que d’agir purement par la nature quand ce ne serait que pour un instant ; car c’est tomber, disait ce grand homme de Dieu, de l’infini dans le fini, c’est se tirer de l’opération d’un Dieu pour se réduire à l’opération de l’homme ; c’est empêcher qu’un Dieu n’agisse pour donner lieu à l’action de la créature !


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