mardi 6 mars 2018

A méditer encore et encore : la confession n'est pas un exercice mais une véritable rencontre avec le Crucifié pour changer de vie

Gethsémani, l'Agonie du Seigneur

De Saint Jean Marie Vianney, Curé D’Ars, pour le Dimanche de Quasimodo, sur la Confession pascale

Erat autem proximum Pascha, dies festus Judœorum.
La fête de Pâques, qui était la grande fête des Juifs, était proche. (S. Jean, VI, 4.)

Le voilà arrivé et passé ce temps heureux où tant de chrétiens ont quitté le péché, le démon, et ont arraché leurs pauvres âmes d’entre les griffes de l’enfer, pour se remettre sous le joug aimable du Sauveur. Ah ! Plût à Dieu que nous fussions nés dans le temps heureux des premiers chrétiens, qui voyaient venir ce moment avec une sainte allégresse ! O beau jour ! O jour de salut et de grâce, qu’êtes-vous devenu ? Où sont ces joies saintes et célestes qui font le bonheur des enfants de Dieu ? 
Oui, ou ce temps de grâces tournera à notre salut ou il tournera à notre perte : il sera la cause de notre bonheur si nous correspondons aux grâces qui nous sont offertes dans ce moment précieux, ou il tournera à notre perte si nous n’en profitons pas ou que nous en abusions. – Mais, me direz-vous, que veut dire ce mot de Pâques ? – Vous ne le savez donc pas, mon ami ? Eh bien ! écoutez-le et vous allez le savoir. Cela veut dire passage, c’est-à-dire sortie de la mort du péché et passage à la vie de la grâce. D’après cela, vous allez voir si vos pâques sont bonnes, et si vous pouvez être tranquilles, surtout vous, nos braves gens, qui vous contentez d’accomplir le commandement de l’Église, de faire seulement une confession et une communion pour Pâques.

Le péché caché
I. – Pourquoi est-ce que l’Église a établi le saint temps de Carême ? – C’est, me direz-vous, pour nous préparer à célébrer dignement le saint temps de Pâques, qui est un temps où le bon Dieu semble redoubler ses grâces, et excite le remords de nos consciences pour nous faire sortir du péché. – C’est très bien, mon ami, c’est ce que vous enseigne votre catéchisme ; mais si je demandais à un enfant quel est le péché de ceux qui ne font point de pâques ? Il me répondrait tout simplement que c’est un gros péché mortel ; et si je lui disais : Combien faut-il de péchés mortels pour être damné ? Il me dirait : Un seul suffit, si l’on meurt sans en avoir obtenu le pardon. Eh bien ! mon ami, que dites-vous de cela ? Vous n’avez point fait de pâques ? – Eh non ! me direz-vous. – Mais, puisque vous n’avez point fait de pâques, et que de les manquer c’est un péché mortel, vous serez donc damné. Qu’en pensez-vous, mon ami ? N’est-ce pas, cela ne vous fait rien ? – Ah ! vous avez bien raison, dites-vous en vous-même ; mais si je suis damné, je ne serai pas le seul. – A la bonne heure, si cela ne vous fait rien, si vous aimez autant être damné que sauvé, il faudra aussi vous en consoler ; si vous espérez adoucir votre malheur en vous refiant que vous ne serez pas seul, il ne faudra donc plus vous tourmenter. Pauvre âme ! que dites-vous du langage que tient ce corps de péché où vous avez le malheur d’habiter ? 
Les démons entraînant le pécheur en Enfer
Oh ! que de larmes vous allez répandre pendant l’éternité ! Oh ! que de gémissements ! Oh ! que de hurlements vous allez pousser dans les flammes, sans espérer d’en sortir ! Oh ! que vous êtes malheureux d’avoir tant coûté à Jésus-Christ, et vous en voir séparé pour jamais ! Pourquoi n’avez-vous point fait de pâques ? – C’est, me direz-vous, parce que je n’ai pas voulu. – Mais si vous mourez dans cet état, vous serez damné. – Tant pis ! – Eh bien ! dites-moi, croyez-vous avoir une âme ? – Ah ! je sais bien que j’ai une âme. – Mais, peut-être croyez-vous que, quand vous serez mort, tout sera fini ?- Ah ! vous pensez en vous-même : Je sais bien que notre âme sera heureuse ou malheureuse, selon qu’elle aura bien ou mal fait. – Et qui peut la rendre malheureuse ? – C’est le péché, me direz-vous. – Vous vous sentez coupable de péché, donc je conclus que vous êtes damné. N’est-ce pas, mon ami, vous êtes bien venu vous confesser une fois ou deux ; mais vous vous en êtes tenu là. Pourquoi cela ? C’est que vous n’avez pas voulu vous corriger et que vous aimez autant vivre dans le péché et être damné, que de le quitter pour être sauvé. Vous voulez être damné ? Eh bien ! ne vous inquiétez pas, vous le serez bien. – N’est-ce pas, ma sœur, vous avez laissé passer les pâques sans vous confesser ; le Carême, vous avez vécu dans le péché, et à Pâques aussi ; pourquoi cela ? En voici la raison : c’est que vous n’avez plus de religion, que vous avez perdu la foi, que vous ne pensez plus qu’à vous réjouir un peu dans le monde, en attendant que vous soyez jetée dans les flammes. Nous vous verrons, ma sœur, oui, nous vous verrons un jour ; oui, nous verrons vos larmes, votre désespoir ; je vous reconnaîtrai, du moins, je crois ; vous vous serez perdue, vous en êtes bien la maîtresse. Oui tirons le bandeau, laissons cachées toutes ces ordures dans les ténèbres jusqu’au jour du jugement.
Le péché de langue

Examinons maintenant ce que c’est que la confession et la communion de ceux qui se contentent d’une fois tous les ans, et nous verrons s’ils ont lieu d’être tranquilles ou non. Mon ami, si pour faire une bonne confession, il suffisait de demander pardon à Dieu, de déclarer ses péchés et de faire quelques pénitences, le péché, dont la religion nous fait un monstre, n’aurait rien qui dût tant nous effrayer ; rien ne serait plus facile que de réparer la perte de la grâce de Dieu, et de suivre le chemin qui conduit au ciel, qui est cependant si difficile selon Jésus-Christ même. Écoutez le langage qu’il tient à ce jeune homme, qui lui demandait s’il y en aurait bien de sauvés et si le chemin qui conduit au ciel est bien malaisé à suivre : Que lui répond le Sauveur ? « Oh ! que ce chemin est étroit ! Oh ! qu’il y en a peu qui le suivent ! Oh ! que parmi ceux qui le commencent, peu vont jusqu’au bout. » En effet, après avoir vécu une année entière sans gêne, sans contrainte, ne restant occupé que de vos affaires temporelles, de vos biens, ou même de vos plaisirs, sans vous mettre en peine de vous corriger, ni de travailler à acquérir les vertus qui vous manquent ; vous viendrez seulement dans la quinzaine de Pâques, toujours le plus tard que vous pourrez, raconter vos péchés, de la même manière que vous feriez le récit d’une histoire : vous lirez dans un livre quelques prières, ou vous en ferez quelques autres pendant un certain temps. Moyennant cela, tout sera dit, vous irez votre train ordinaire ; vous ferez ce que vous avez fait, vous vivrez comme de coutume, l’on vous a vu dans les jeux et les cabarets, l’on vous y reverra ; l’on vous a trouvé dans la danse et les bals, l’on vous y retrouvera : ainsi de tout le reste. Les pâques prochaines, vous répéterez la même chose. Ainsi vous ferez ce commerce jusqu’à la mort : c’est-à-dire, que le sacrement de Pénitence, où Dieu semble oublier sa justice pour ne manifester que sa miséricorde, ne sera plus pour vous qu’un jeu ou un amusement ! Vous sentez très bien, mon ami, que si vos confessions n’ont rien de mieux, vous pouvez très bien conclure qu’elles ne valent rien, pour ne pas dire autre chose.

Péché de gourmandise
II. – Mais pour vous convaincre davantage, examinons la chose de plus près. Pour faire une bonne confession, qui puisse nous réconcilier avec Dieu, il faut détester nos péchés de tout notre cœur, non parce que nous sommes obligés de dire au prêtre des choses que nous voudrions pouvoir nous cacher à nous-mêmes ; mais il faut nous repentir d’avoir offensé un Dieu si bon, d’être resté si longtemps dans le péché, d’avoir méprisé toutes ses grâces par lesquelles il nous sollicitait d’en sortir. Voilà ce qui doit faire couler nos larmes et briser notre cœur. Dites-moi, mon ami, si vous aviez cette véritable douleur, ne vous empresseriez-vous pas de réparer le mal qui en est la cause et de vite rentrer en grâce avec Dieu ? Que diriez-vous d’un homme qui, mal à propos, se serait brouillé avec son ami, mais qui, reconnaissant sa faute, s’en repent de suite ; ne cherchera-t-il pas la manière de se réconcilier ? Si son ami fait quelques démarches auprès de lui pour cela, ne profitera-t-il pas de l’occasion ? Mais au contraire, s’il méprisait tout, n’auriez-vous pas raison de dire qu’il lui est égal d’être bien ou mal avec cette personne ? La comparaison est sensible. Celui qui a eu le malheur de tomber dans le péché, soit par faiblesse ou surprise, ou même par malice, s’il en a un véritable regret, pourra-t-il rester longtemps dans cet état ? N’aura-t-il pas de suite recours au sacrement de Pénitence ? Mais au contraire, s’il reste un an dans le péché, et qu’il ne voie même venir le saint temps de Pâques qu’avec peine, parce qu’il faut se confesser ; si, bien loin de venir se présenter au tribunal de la pénitence au commencement du Carême, afin d’avoir quelque temps pour faire pénitence, et ne point passer, de suite, du péché à la table sainte ; s’il ne veut entendre parler qu’à Pâques de la confession, que même il tâche de retarder jusqu’à la quinzaine, où il viendra se présenter avec les mêmes dispositions qu’un criminel que l’on conduit à la mort que signifie cela, mon ami ? Le voici : c’est que, si les pâques étaient prolongées jusqu’à la Pentecôte, vous ne vous confesseriez qu’à la Pentecôte, ou que si elles ne venaient que tous les dix ans, vous ne vous confesseriez que tous les dix ans ; et enfin, que si l’Église ne vous en faisait pas un commandement, vous ne vous confesseriez qu’à la mort. Qu’en pensez-vous, mon frère ? N’est-ce pas, mon ami, que ce n’est ni le regret d’avoir offensé Dieu qui vous fait vous confesser, ni l’amour de Dieu qui vous fait faire vos pâques ? – Ah ! me direz-vous, c’est bien quelque chose, nous ne les faisons pas sans savoir pourquoi. – Ah ! vous n’en savez rien du tout ; vous les faites par habitude, pour dire que vous avez fait vos pâques, ou, si vous vouliez dire la vérité, vous diriez que vous avez ajouté à vos anciens péchés un péché nouveau. Ce n’est donc ni l’amour de Dieu, ni le regret de l’avoir offensé, qui vous fait confesser et faire vos pâques, ni même le désir de mener une vie plus chrétienne. En voici la preuve : si vous aimiez le bon Dieu, pourriez-vous consentir à commettre le péché avec tant de facilité, et même avec tant de plaisir ? Si vous aviez horreur du péché, comme vous devriez l’avoir, pourriez-vous le garder un an entier sur votre conscience ? Si vous aviez un vrai désir de mener une vie plus chrétienne, ne verrait-on pas au moins quelque petit changement dans votre manière de vivre ? Non, je ne veux pas vous parler aujourd’hui de ces malheureux qui ne disent que la moitié de leurs péchés, crainte de ne pas faire leurs pâques ou d’être renvoyés ; peut-être même pour couvrir leur vie honteuse du voile de la vertu ; et qui, dans cet état, s’approchent de la table sainte et vont consommer leur réprobation, livrer leur Dieu au démon, et vomir leur maudite âme en enfer.


Le Jugement dernier, par Giotto
Non, j’ose espérer que cela ne vous regarde pas ; mais cependant je continuerai à vous dire que les confessions d’un an n’ont rien qui puisse vous tranquilliser. – Mais, me direz-vous, que faut-il faire afin qu’une confession soit bonne ? – Vous le voulez savoir, mon ami, le voici ; écoutez-le bien, et vous verrez si vous êtes en sûreté. Pour que votre confession mérite le pardon, il faut qu’elle soit humble et sincère, accompagnée d’une véritable douleur causée par le regret d’avoir offensé Dieu, et non à cause des châtiments que le péché mérite, avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. D’après cela, je dis qu’il est très difficile que toutes ces dispositions se trouvent dans ceux qui ne se confessent qu’une fois l’année : vous allez le voir. Qu’est-ce qu’un chrétien aux pieds du prêtre auquel il fait l’aveu de ses péchés ? C’est un pécheur qui vient avec la douleur dans le cœur, et se jette aux pieds de son Dieu comme un criminel devant son juge, pour s’accuser lui-même afin de demander sa grâce. Comment s’accusera-t-il ? Le voici : Je suis un criminel indigne d’être appelé enfant ; j’ai vécu jusqu’à présent d’une manière tout opposée à ce que ma religion me commandait ; je n’ai eu que du dégoût pour tout ce qui avait rapport au service de Dieu ; les saints jours de dimanche et de fête n’ont été pour moi que des jours de plaisirs et de débauches : ou, pour mieux dire, je n’ai rien fait jusqu’à présent ; je suis perdu et damné si Dieu n’a pas pitié de moi. Voilà les sentiments d’un chrétien qui a le péché en horreur.

Mais, dites-moi, est-ce de cette manière que s’accusent ceux qui trouvent que ce n’est pas assez de rester douze mois dans le péché, qui trouvent que les pâques viennent toujours trop tôt ? Hélas ! mon Dieu, vous voyez ces confessions d’un an que font ces pauvres malheureux, qui ne les font qu’avec un dégoût mortel. Oh ! non, non, mon ami, ce n’est plus un criminel couvert de honte et pénétré de douleur d’avoir offensé Dieu, qui s’humilie, qui s’accuse lui-même, qui demande un pardon dont il se reconnaît infiniment indigne ; mais, hélas ! oserai-je bien le dire ? c’est un homme qui semble raconter une histoire et qui la raconte mal, qui tâche de se défigurer et de paraître le moins coupable qu’il peut. Écoutez-le : ce n’est pas lui qui a commis ce péché d’impureté, c’est un autre qui l’a sollicité, comme s’il n’avait pas été maître de ne pas suivre son conseil. Ce n’est pas lui qui s’est mis en colère, c’est son voisin qui lui a dit une parole piquante. II a manqué la messe, c’est vrai ; mais c’est la compagnie qui en est la cause. C’est une fois qu’il fit gras, un jour défendu ; si on ne l’avait sollicité il ne l’aurait pas fait. Il a mal parlé, c’est celui qui s’est trouvé auprès de lui qui l’a fait pécher. Disons mieux le mari accuse la femme, la femme le mari ; le frère, la sœur, et la sœur, le frère ; le maître, le domestique, et le domestique tâche, autant qu’il peut, de se décharger dessus son maître. En disant leur confiteor, ils s’accusent eux-mêmes, en disant : C’est par ma faute ; deux minutes après, ils s’excusent et accusent les autres. Point d’humilité, point de sincérité et point de douleur : voilà précisément les dispositions de ceux qui ne se confessent que tous les ans. Un pauvre pasteur verra bien à la manière dont ils s’accusent, qu’ils n’ont nullement les dispositions nécessaires pour recevoir l’absolution. Veut-il leur donner quelque temps pour ne pas leur faire faire un sacrilège, que font-ils ? Écoutez-les : ils murmurent en disant qu’ils n’ont pas le temps de revenir et qu’une autre fois ils ne seront pas mieux disposés ; et ils finissent pour vous dire que si l’on ne veut pas les recevoir, ils iront à un autre qui ne sera pas si scrupuleux, qui les passera bien... Comme si Dieu ne pouvait pas vivre sans eux ! Pauvres aveugles !... Jugez d’après cela quelles sont leurs dispositions. Le prêtre voit bien à la manière dont ils s’accusent, qu’ils ne disent pas tout ; il est obligé de leur faire mille questions ; ils ne disent ni le nombre, ni les circonstances qui changent l’espèce. II y a certains péchés qu’ils ne voudraient pas dire, ni les cacher. Que font-ils ? Ils les disent à moitié, comme si le prêtre pouvait savoir ce qui se passe dans leur cœur. L’on se contente de raconter en gros les péchés, sans même distinguer les pensées d’avec les désirs. Le prêtre lui dira : N’avez-vous jamais eu des pensées d’orgueil, de vanité, de vengeance ou d’impureté ? Vous savez bien que toutes ces choses sont des péchés mortels quand on s’y arrête volontairement. Avez-vous commis quelques-unes de ces fautes ? – Peut-être bien, dira-t-il, mais je ne m’en souviens pas. – Mais il faut dire à peu près le nombre, sans quoi vos confessions ne valent rien. –Ah ! monsieur, comment voulez-vous que je me rappelle toutes les pensées que j’ai eues pendant l’année ? cela m’est impossible. – Ah ! mon Dieu, que de confessions, ou plutôt que de sacrilèges !... Non, presque jamais l’on ne s’accuse des circonstances qui aggravent le péché et qui peuvent rendre le péché mortel.

Vanité, enluminure
Écoutez comment l’on s’accuse : je me suis enivré, j’ai calomnié mon prochain, j’ai commis le péché contre la sainte vertu de pureté, je me suis disputé, je me suis vengé ; si le confesseur ne fait point de question, il n’y a rien de plus. – Mais, lui dira le confesseur, combien de fois cela vous est-il arrivé ? Avez-vous commis de ces péchés dans l’église ? Est-ce un saint jour de dimanche ? Est-ce en présence de vos enfants, de vos domestiques ? Y avait-il bien du monde ? La réputation de votre prochain en a-t-elle souffert quelque dommage ? Ces pensées d’orgueil vous sont-elles venues dans l’église, pendant la sainte Messe ? Vous y êtes-vous arrêté longtemps ? Ces pensées contraires à la sainte vertu de pureté, ont-elles été accompagnées de mauvais désirs ? Cet autre péché, est-ce par surprise ou par malice ? N’avez-vous pas ajouté péché sur péché, dans la pensée qu’il ne vous en coûterait pas plus de vous confesser de beaucoup que de peu ? Il y en a qui ne se contentent pas de ne faire aucun détail de leurs péchés, ils vous disent qu’ils n’ont rien à se reprocher, qu’ils n’ont pas le temps, qu’il faut qu’ils s’en aillent. Vous n’avez pas le temps, mon ami, eh bien ! allez-vous-en. De vous en aller, ou de demeurer, l’un vaut autant que l’autre.

O mon Dieu ! quelles dispositions ! O mon Dieu ! sont-ce là des pécheurs qui viennent pour pleurer leurs péchés ? Il faut cependant convenir qu’il y en a qui font tout ce qu’ils peuvent pour bien s’examiner, et qui disent leurs péchés autant qu’ils peuvent ; mais, avec une telle indifférence, une telle froideur, et une si grande insensibilité que cela déchire le cœur d’un pauvre prêtre. Point de soupirs, point de gémissements, point de larmes ! pas un seul signe qui annonce la douleur que leur donnent leurs péchés ! Il faut que le prêtre, pour leur donner l’absolution, soit persuadé qu’ils ont de meilleures dispositions qu’ils ne le montrent. Je sais bien que les larmes et les soupirs ne sont pas des marques infaillibles de contrition ni de conversion. Il n’arrive que trop souvent qu’il y en a qui pleurent leurs péchés au tribunal de la pénitence, et qui ne sont pas plus chrétiens. Mais aussi il est bien difficile de raconter avec tant de froideur et d’indifférence ce qui doit nécessairement nous attrister et exciter nos larmes. Si un homme était sûr de recevoir sa grâce en faisant l’aveu de ses crimes, je vous laisse à penser s’il pourrait même les déclarer sans faire couler ses larmes, dans l’espérance que son extérieur touchera le cœur de son juge, qui lui accordera son pardon. Voyez un malade, quand il découvre ses plaies à son médecin, de suite vous entendez ses soupirs et vous voyez ses larmes qui coulent. Voyez un ami qui vous fera le récit de ses peines ses gestes, son ton de voix, sa manière de s’exprimer, tout en lui vous dépeint son chagrin et sa douleur. Pourquoi est-ce que rien de tout cela ne paraît quand nous accusons nos péchés ? N’est-ce pas, mon ami, vous n’en savez rien ? Souvent vous en êtes étonné. Eh bien ! je vais vous l’apprendre : c’est que votre cœur n’est pas plus touché que vos paroles, et que votre intérieur est semblable à votre extérieur, que vos péchés ne vous donnent pas plus de douleur que vous n’en faites paraître. Cela est bien facile à concevoir, puisque, après vos pâques, vous êtes si peu chrétien, et que vous n’êtes ni plus sage, ni moins pécheur qu’auparavant.

III. – Nous avons dit que le regret d’avoir offensé Dieu, s’il est véritable, doit nécessairement renfermer une volonté sincère de ne plus pécher ; que si cette volonté est sincère, elle nous portera à nous tenir sur nos gardes ; à regretter toutes ces mauvaises pensées, soit de vengeance, soit d’impureté, aussitôt que nous les apercevons ; à fuir les occasions qui nous avaient portés au péché ; ou bien à ne rien négliger pour nous corriger de nos mauvaises habitudes. Eh bien ! mon ami, votre volonté de ne plus offenser le bon Dieu n’a donc pas été sincère, puisque l’on vous a vu dans les cabarets et que l’on vous y voit encore ; l’on vous a trouvé dans cette compagnie où vous avez commis ce péché et que vous y paraissez encore aujourd’hui. Vous conviendrez avec moi que vous n’avez fait aucun effort pour mieux vivre que vous n’aviez fait pendant l’année. Pourquoi cela, mon ami ? Pourquoi ? Le voici : c’est que vous ne désirez nullement de vous corriger, que votre confession n’a été que mensonge et votre contrition un fantôme de pénitence.

Memento Mori ! Danse macabre
En voulez-vous une seconde preuve ? La voici. De quoi vous accusiez-vous l’année passée ? D’ivrognerie, d’impureté, d’orgueil, de colère, de négligence dans le service de Dieu ? Et de quoi vous accusez-vous cette année ? De la même chose. Et de quoi vous accuserez-vous l’année prochaine si vous êtes en vie ? Encore de la même chose. Pourquoi cela ? C’est que vous ne désirez nullement de mener une vie plus chrétienne ; mais vous vous confessez seulement par manière d’acquit et pour dire que vous avez fait vos pâques ; ou, si vous disiez la vérité, vous diriez que vous vous confessez chaque année pour ajouter un nouveau péché à vos anciens : alors, disant cela, vous diriez ce que vous faites. Vous ne voyez donc pas que c’est le démon qui vous trompe. S’il vous proposait de tout abandonner, à vous qui avez l’habitude de vous confesser tous les ans, vous auriez horreur de cela, vous ne voudriez pas le croire. Mais pour vous avoir un jour, il se contente de vous tenir toujours dans vos mauvaises habitudes. Doutez-vous de ce que je vous dis ? Examinez votre conduite et voyez si vous vous êtes corrigés de quelques péchés depuis tant d’années que vous vous confessez tous les ans ; ou, si je disais mieux, chaque année vous enfonce plus profond dans les abîmes.

Mais, me direz-vous, tout cela n’est pas trop engageant à nous faire faire nos pâques. – C’est bien ; mais pourquoi vous tromper ? Il y a déjà bien assez du démon qui vous trompe, sans me mettre encore avec lui. Je vous dis la vérité telle quelle est ; ensuite vous en ferez ce que vous voudrez. Je me comporte envers vous. comme un médecin au milieu d’un grand nombre de malades : il commence à leur proposer à chacun les remèdes convenables pour rétablir leur santé ; ceux qui méprisent ces remèdes, il les laisse de côté ; mais ceux qui veulent les prendre, ils les instruit de la manière de les prendre, il leur dit le grand bien qu’ils leur feront s’ils les reçoivent avec toutes les préparations qu’il leur indiquera, et en même temps le mal que ces remèdes, leur feront s’ils ne font pas tout ce qu’il ordonne avant de s’en servir. Oui, je fais la même chose, je vous fais considérer combien sont grands les avantages que nous promettent les sacrements ; ou, pour mieux dire, que si nous ne fréquentons pas les sacrements, jamais nous ne verrons la face de Dieu, et nous sommes sûrs d’être damnés. Pour ceux qui, soit par ignorance, soit par impiété, méprisent ces remèdes salutaires, seuls capables de les réconcilier avec le bon Dieu, je fais comme ce médecin qui laisse de côté ceux qui ne veulent pas de ses remèdes. Mais à ceux qui témoignent le désir de les prendre, il faut absolument leur faire connaître les dispositions qu’il faut y apporter. Je pense que peut-être tout ce que je viens de vous dire vous donnera quelque inquiétude sur vos confessions passées : je le désire de tout mon cœur, afin qu’étant vivement touchés par la grâce du bon Dieu et par vos remords de conscience, vous preniez les moyens que Dieu vous offre encore aujourd’hui pour sortir du péché.
La confession, par Giuseppe Maria Crespi

Mais, me direz-vous, que faut-il faire pour réparer tout cela ? – Voulez-vous le savoir et le faire, mon ami ? Le voici. C’est de recommencer vos confessions, d’aussi loin que vous pouvez juger les avoir faites sans contrition ; vous vous accuserez du nombre de confessions et de communions : et vous direz bien si vous avez déguisé quelque péché, si vous avez fait quelques efforts pour ne plus retomber. Il faut, pour que vos confessions puissent vous consoler, que chaque confession ait opéré en vous quelque changement ; il faut que vous fassiez comme nous dit l’évangile de Pâques, en parlant de Jésus-Christ, qu’une fois sorti du tombeau, il n’y rentre plus ; de même, vous étant confessés de vos péchés, vous ne devez plus les recommettre. Il faut que vous fassiez naître dans votre cœur, la douceur, la bonté et la charité, à la place de cette colère, de cet air de mépris que vous faisiez paraître à la moindre injure qu’on vous faisait. Vous manquiez vos prières le matin et le soir, l’on vous voyait les faire sans attention et sans respect ; maintenant si vous êtes véritablement sorti du péché, l’on vous verra faire vos prières tous les matins et tous les soirs avec ce respect et cette attention que doit vous inspirer la pensée de la présence de Dieu. Les saints jours de dimanche l’on vous voyait souvent venir à l’église que les offices étaient bien avancés ; maintenant, si vous avez bien fait vos pâques, l’on vous verra de bonne heure commencer à vous préparer pour assister saintement à cette grande action. L’on verra cette mère, au lieu de courir de maison en maison, repassant la conduite de l’un et de l’autre, on la verra occupée à son ménage, à instruire ses enfants, ou, pour mieux dire, la vertu paraîtra dans tout ce qu’elle fera. Elle fera comme cette jeune fille, qui, pendant quelque temps, s’était livrée aux plaisirs, même les plus honteux ; mais ayant réfléchi sur l’état affreux où elle se plongeait, et ayant horreur d’elle-même, elle se convertit. Quelque temps après elle rencontra un jeune homme avec lequel elle avait souvent couru dans les plaisirs ; il commença à lui tenir le même langage qu’autrefois. Elle le regarda d’un air de mépris et d’indignation, en se rappelant comment ce malheureux avait été cause qu’elle avait offensé le bon Dieu. Tout étonné, il lui dit que sans doute elle ne le connaissait plus. « Ah ! malheureux, je ne t’ai que trop connu ! Je vois bien que tu es toujours le même, enseveli dans la fange du crime ; mais, pour moi, grâce à Dieu, je ne suis plus la même ; j’ai quitté ce maudit péché qui avait tant défiguré ma pauvre âme. Ah ! non, plutôt mille fois mourir que de retomber dans mes anciens péchés ! » O ! beau modèle pour un chrétien qui a eu le malheur de pécher !

Que devons-nous conclure de tout cela ? Le voici. C’est que si vous voulez ne pas être damnés, vous ne devez pas vous contenter de vous confesser une fois l’année ; parce que, à chaque fois que vous seriez en état de péché vous courriez risque d’y périr et d’être perdus pour une éternité. C’est que si vous aviez été assez malheureux d’avoir caché quelque péché par crainte ou par honte, ou, que vous les ayez confessés sans contrition, sans désir de vous en corriger ; ou même, si depuis tant d’années que vous vous confessez, vous n’avez connu aucun changement dans votre vie concluez de là que toutes vos confessions ne valent rien, et par conséquent n’ont été que des sacrilèges et des abominations qui vous jetteront en enfer.

Les conséquences du péché originel :
la désolation, l'exil loin de Dieu et de son amour
Pour ceux qui ne font point de pâques, je n’ai rien à leur dire ; puisqu’ils veulent absolument se damner, ils en sont les maîtres. Pleurons leur malheur, prions pour eux : la charité que nous devons avoir les uns pour les autres nous y oblige. Demandons à Dieu de ne pas tomber dans un tel aveuglement !

Résistons courageusement au monde et au démon ! Soupirons sans cesse après notre véritable patrie qui est le ciel, notre gloire, notre récompense et notre félicité. C’est ce que je vous souhaite...



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