samedi 31 mars 2018

SAMEDI SAINT : Il est descendu aux enfers pour porter aux âmes défuntes la Lumière de son Evangile

Icône de l'adoration des instruments
de la Passion par les Anges

De la descente du Seigneur Jésus aux enfers, suite des Actes de Pilate

De caractère apocalyptique, la descente de Jésus aux enfers est racontée par la plume de deux fils jumeaux de Syméon. Elle comble la curiosité des chrétiens et développe la sobre évocation de 1 Pierre 3, 18 s. Cette partie, composée à la fin du IVe siècle, utilise une source du second siècle.
Nous avons suivi pour la première partie, la recension grecque (A), plus ancienne. Pour la seconde, Descente de Jésus aux enfers, l'une des deux recensions latines (B) qui nous sont parvenues

17.1. Joseph dit : « Pourquoi vous étonner de la résurrection de Jésus ? Elle n'est pas étonnante. Étonnons-nous plutôt qu'il n'ait pas ressuscité seul. Il a relevé un grand nombre de morts, que beaucoup ont vu à Jérusalem. Vous ne les connaissez pas tous. Mais au moins connaissez-vous Syméon qui reçut Jésus dans ses bras et ses deux fils par lui ressuscités. Nous les avions ensevelis peu avant. Aujourd'hui on peut voir leurs tombes ouvertes et vides. Eux-mêmes sont vivants et habitent Arimathie. » Ils envoyèrent de leurs gens pour vérifier que les tombes étaient bien ouvertes et vides. Joseph reprit « Allons à Arimathie ; nous les rencontrerons. »
2. Alors les grands prêtres, Anne, Caïphe, Joseph, Nicodème, Gamaliel et les autres se levèrent et se rendirent à Arimathie. Ils les trouvèrent, comme Joseph l'avait dit. Après les prières et les embrassements, ils reprirent avec eux la route de Jérusalem et les firent entrer dans la synagogue, dont ils fermèrent les portes avec soin.
Puis les grands prêtres leur mirent en mains l'Ancien Testament des Juifs et leur dirent : « Nous aimerions qu'après avoir prêté serment par le Dieu d'Israël et d'Adonaï, vous nous disiez la vérité : comment avez-vous ressuscité et qui vous a ressuscités des morts ? » 3. A ces mots, les ressuscités se signèrent le front et dirent aux grands prêtres : « Donnez-nous du papier, de l'encre et une plume. » On leur apporta ces objets. Ils s'assirent et écrivirent ce qui suit.
Le Christ mort au sépulcre, par Ignacio Pinazo Camarlench

18.1. « Seigneur Jésus-Christ, résurrection et vie du monde, permets-nous de raconter ta résurrection et les merveilles que tu as accomplies en enfer. Nous y étions avec tous ceux qui se sont endormis depuis l'origine. A minuit, une lumière aussi vive que le soleil perça les ténèbres. Nous fûmes illuminés, et nous pouvions nous voir les uns les autres. Et aussitôt, les patriarches et les prophètes se joignirent à Abraham notre père, et au comble de la joie, ils se disaient entre eux : « Cette lumière provient de la grande lumière. » Le prophète Isaïe s'écria : « C'est la lumière du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Je l'avais annoncée de mon vivant, par ces mots : Terre de Zabulon, terre de Nephtali, le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière.»
2. Puis un homme se présenta sous l'aspect d'un ermite du désert, et les patriarches l'interpellèrent : « Qui es tu ? » Il répondit : « Je suis Jean, le dernier des prophètes, j'ai aplani les chemins du Fils de Dieu, et j'ai prêché le repentir au peuple, pour la rémission de ses péchés. Et le Fils de Dieu est venu vers moi, et quand de loin je l'ai vu, j'ai dit au peuple : Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. Je l'ai baptisé de ma main, dans l'eau du Jourdain, et j'ai vu l'Esprit saint, tel une colombe, descendre sur lui. Et j'ai entendu la voix de Dieu notre Père qui disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé ; il a toute ma faveur.
« Et il m'a envoyé aussi parmi vous, vous annoncer que le Fils unique de Dieu viendrait ici afin que quiconque croit en lui soit sauvé et quiconque n'y croit pas, condamné. Aussi vous le dis-je à tous, quand vous le verrez, adorez-le. Voici les derniers jours où vous pouvez vous repentir et des cultes que vous avez rendus aux idoles dans le vain monde d'en haut, et des péchés que vous avez commis. Après, il sera trop tard. »

Et la Lumière brille dans les ténèbres
19. Tandis que Jean enseignait ainsi les foules de l'enfer, Adam le premier formé et le premier père, dit à son fils Seth : « Mon fils, je veux que tu exposes aux premiers pères de l'humanité et aux prophètes, le voyage que je t'ai fait entreprendre, lorsque je me couchais pour mourir. » Et Seth parla : « Prophètes et patriarches, écoutez. Mon père Adam, le premier formé, sentant venir sa fin, m'envoya tout près des portes du paradis ; je devais prier Dieu de me conduire par la main d'un ange à l'arbre de la miséricorde, et me laisser récolter de son huile pour en oindre mon père, et lui rendre ainsi ses forces. J'y allais.
Quand j'eus prié, l'ange du Seigneur parut et me dit : Que demandes-tu, Seth ? Tu désires une huile qui guérit les malades et sauvera ton père ? Crois-tu trouver l'arbre qui produise cette huile ? Non, tu n'obtiendras rien aujourd'hui. Repars donc, et dis à ton père qu'il faut d'abord que cinq mille cinq cents ans s'écoulent à compter de la création du monde. Alors, le Fils unique de Dieu descendra sur terre, en se faisant homme, et il oindra ton père de cette huile et le ressuscitera. Dans l'eau et l'Esprit Saint il le lavera, lui et ses descendants. Alors il sera guéri de toute langueur. Mais aujourd'hui, c'est impossible. » En entendant ces mots, patriarches et prophètes frémirent d'allégresse.

20.1. Tandis qu'ils se réjouissaient tous à la fois, Satan, l'héritier des ténèbres, survint et dit à l’Hadès : « Toi le glouton et l'éternel affamé, écoute-moi bien. Un Juif, nommé Jésus, se fait appeler fils de Dieu. Ce n'est qu'un homme. Les Juifs l'ont crucifié, je les y ai bien aidés ! Maintenant qu'il est mort, prépare-lui ici de solides entraves. Ce n'est qu'un homme, je sais, dont j'ai surpris cette plainte : Mon âme est triste jusqu'à la mort. Mais il m'a causé beaucoup d'ennuis, au temps où il vivait dans le monde parmi les mortels. Quand il rencontrait mes sujets, il les chassait et les gens que j'avais faits bossus, aveugles, boiteux, lépreux, ou que j'avais affligés d'autres maux, d'une seule parole ils les guérissait. Beaucoup, qui par mes soins étaient prêts pour la tombe, d'une seule parole encore, il les ressuscitait. »
2. L’Hadès répondit : « Cet homme est capable de pareils exploits avec une seule parole ? Tu ne pourras pas te mesurer à un tel adversaire. Personne, à mon sens, ne lui tiendra tête. Il craint la mort, et tu dis avoir surpris cet aveu, mais il a dit cela en plaisantant : il se moquait de toi. Il compte t'enlever de sa main puissante. Malheur, malheur à toi dans tous les siècles ! »
Satan dit : « O enfer, gueule toujours béante, tu as donc si peur lorsqu'on te parle de notre ennemi commun ? Moi, je n'ai pas tremblé; j'ai excité les Juifs et ils l'ont crucifié ; ils l'ont abreuvé de fiel et de vinaigre. Prépare-toi plutôt, lorsqu'il viendra, à le maîtriser vigoureusement. »
3. L’Hadès répondit : « Héritier des ténèbres, fils de perdition, ô Diable, tu viens de me dire que d'une seule parole, il ressuscita un grand nombre de gens que grâce à tes bons offices, il ne restait plus qu'à inhumer. S'il a libéré des hommes du tombeau, comment et par quelle vertu le tiendrons-nous enfermé ? Naguère, j'ai englouti un mort du nom de Lazare, et peu après un vivant, par une seule parole, l'a arraché à mes entrailles. Je suppose que c'est celui dont tu me parles. Si nous le recevons ici, nous nous exposons, je le crains, à quelques ennuis avec nos morts.
Tous ceux que j'ai engloutis depuis le commencement, je les sens bien agités, et j'en ai le ventre tout endolori. Ce Lazare, qui m'a été ravi le premier, ne me laisse rien augurer de bon. Il s'est envolé de chez moi, non comme un cadavre, mais comme un aigle, si impétueusement la terre le rejeta. Ainsi, je t'en conjure, dans ton intérêt et dans le mien, ne me l'amène pas ici. Car je soupçonne qu'il ne vient ici que pour sauver tous ces pécheurs que sont mes morts. Je te le répète, par notre royaume de ténèbres, si tu le fais descendre, il ne restera plus un seul trépassé en mon pouvoir. »

L'Anastasis. Le Christ dépossède la mort d'Adam
et Eve et de tous leurs enfants
21.1. Satan et l’Hadès discutaient ainsi, quand une voix tonna : « Élevez vos frontons, princes. Élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. » A ces mots, l’Hadès dit à Satan : « Va-t-en, si tu es vaillant, et livre-lui bataille. » Satan sortit. Alors l’Hadès dit à ses démons : « Fermez bien les portes de bronze, poussez les barres de fer, renforcez les verrous, exercez une surveillance sans relâche. Car s'il descend chez nous, il deviendra notre maître. »
2. Nos ancêtres, en entendant ces paroles, éclatèrent en invectives : « Glouton, éternel affamé, disaient-ils, ouvre donc et laisse entrer le roi de gloire. » David le prophète disait : « Ne sais-tu pas, aveugle, que lorsque je vivais sur terre, j'ai lancé cette prophétie : Princes, élevez vos frontons » Isaïe à son tour : « Et moi, averti par le Saint-Esprit, j'ai écrit : Les morts ressusciteront, et ils se réveilleront, ceux qui dorment dans les tombeaux, et ils exulteront, ceux qui vivent sur la terre. Et j'ai dit : Où est, mort, ton aiguillon ? Où, enfer, ta victoire ? »
3. La voix à nouveau retentit : ouvrez vos portes. En entendant cette parole pour la seconde fois, l’Hadès demanda, comme s'il ne savait pas : « Quel est ce roi de gloire ? » Les messagers du Maître lui dirent : « C'est le Seigneur le fort, le vaillant, le Seigneur vaillant des combats ~. » A peine avaient-ils prononcé ces mots que les portes de bronze se fracassèrent, et les barres de fer se rompirent et tous les morts furent déliés des chaînes qui les retenaient, et nous avec eux. Et le roi de gloire entra, sous l'aspect d'un homme, et les ténèbres de l'enfer devinrent éblouissantes.
22.1. Aussitôt l’Hadès cria : « Nous sommes vaincus ! Malheur à nous ! Mais qui es-tu donc, toi qui possèdes une telle puissance et un tel empire ? Qui es-tu, toi qui es venu ici exempt de faute ? Toi qui parais petit et réalises de grandes choses, toi qui es humble et sublime, esclave et maître, soldat et roi, toi qui commandes aux morts et aux vivants ? Tu fus cloué en croix et déposé au tombeau, et te voilà soudain libre et tu as anéanti notre royaume. Es-tu ce Jésus, dont Satan, notre chef suprême, nous a parlé, nous disant que la croix et la mort te feraient hériter le monde entier ?
2. Alors le roi de gloire empoigna par le sommet de la tête le chef suprême, Satan, et le livra aux anges, disant : « Mettez-lui des chaînes aux mains et aux pieds, au cou et à la bouche. » Puis, le donnant à l’Hadès, il dit : « Prends-le et surveille-le étroitement jusqu'à mon retour. »
23. L’Hadès reçut Satan et lui dit : « Belzébuth, héritier du feu et du châtiment, ennemi des saints, qu'est-ce qui t'a poussé à faire crucifier le roi de gloire ? Il est descendu chez nous et nous a dépouillés. Retourne-toi et vois il ne me reste plus de morts. Tous ceux que tu avais gagnés par le bois de la connaissance, la croix te les a repris. Tes délices se sont changées en douleur. En voulant tuer le roi de gloire, tu t'es tué toi-même. Je t'ai reçu avec mission de bien te garder. Eh bien, tu sauras d'expérience quels maux je suis capable d'infliger. O chef des diables, prince de la mort, racine du péché, comble du mal ! Quel vice trouvais-tu en Jésus pour désirer sa perte ? Comment as tu osé lui nuire ? Pourquoi as-tu cherché à faire choir dans les ténèbres un homme qui t'a enlevé tous ceux qui depuis l'origine étaient morts ? »

24.1. L’Hadès parlait encore à Satan quand le roi de gloire étendit sa main, saisit Adam notre premier père, et le ressuscita. Puis, se tournant vers les autres, il dit : « Venez avec moi, vous tous qui devez votre mort au bois que celui-ci a touché. Car voici : je vous relève tous par le bois de la croix ! » Alors il les fit tous sortir, et l'on vit notre premier père Adam rempli de joie : « Je rends grâce à ta magnanimité, Seigneur, disait-il, car tu m'as fait remonter du fond des enfers. » Et tous les prophètes et tous les saints disaient : « Nous te rendons grâces, Seigneur, sauveur du monde, qui as tiré nos vies de la corruption. »
Par ta mort, ô Christ, tu détruis la mort.
Par ta résurrection, tu nous donnes ta vie !
2. Et tandis qu'ils parlaient, le Seigneur bénit Adam en marquant son front du signe de la croix. Il fit le même geste avec les patriarches et les prophètes, les martyrs et les ancêtres, et d'un bond les fit sortir de l'enfer. Et pendant qu'il marchait, les saints pères chantaient derrière lui, et disaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Alléluia. A lui la louange de tous les saints. »

25. Il se rendit au paradis, tenant notre premier père Adam par la main, et il le confia à l'archange Michel, ainsi que tous les justes. Quand ceux-ci eurent franchi la porte du paradis, deux vieillards se présentèrent devant eux, et les saints pères leur dirent : « Qui êtes-vous, vous qui n'avez pas connu la mort et n'êtes pas descendus en enfer, mais qui, de corps et d'esprit, demeurez dans le paradis ? » L'un d'eux répondit : « Je suis Enoch, qui a eu la faveur de Dieu, et qui ai été transporté ici par ses soins. Lui, c'est Elie le thesbite. Nous devons vivre jusqu'à la consommation des temps. Alors nous serons envoyés par Dieu nous battre contre l'Antéchrist; il nous tuera ; après trois jours, nous ressusciterons et une nuée nous enlèvera et nous déposera aux pieds de Dieu. »
26. Tandis qu'ils parlaient, un troisième homme arriva, humble, les épaules chargées d'une croix. Les saints pères lui dirent : « Et toi qui ressembles à un larron, qui es-tu ? Et quelle est cette croix sur tes épaules ? » Il répondit : « Comme vous le dites, j'étais un larron, et un malfaiteur dans le monde. Pour cette raison, les Juifs m'arrêtèrent et me condamnèrent à être crucifié en même temps que notre Seigneur Jésus-Christ. Tandis qu'il était suspendu à sa croix, je vis des signes s'accomplir, et je crus en lui. Et je lui parlai en ces termes : « Seigneur, lorsque tu régneras, ne m'oublie pas. » Il me répondit aussitôt : « En vérité, en vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. » Je me rendis donc au paradis, chargé de ma croix, et rencontrant l'archange Michel, je lui dis : « Notre Seigneur Jésus le crucifié m'envoie ici. Conduis-moi donc aux portes de l'Éden. »
Et quand son épée de feu vit le signe de la croix, elle m'ouvrit et j'entrai. Puis, l'archange me dit : « Attends un peu. Le premier père du genre humain, Adam arrive avec les justes; ils vont entrer. » Et dès que je vous vis, je me précipitai à votre rencontre. »
27. En entendant ce récit, tous les saints s'écrièrent à pleine voix : « Grand est notre Seigneur et grande est sa puissance. »

Gloire à l'Agneau immolé !
« Voilà tout ce que nous avons vu et entendu, nous les deux frères jumeaux, envoyés par l'archange Michel pour prêcher la résurrection du Seigneur, avant d'aller dans le Jourdain recevoir le baptême. Nous y fûmes, et l'on nous donna le baptême en même temps qu'aux autres ressuscités. Puis nous nous rendîmes à Jérusalem et nous accomplîmes la pâque de la résurrection.
« Mais maintenant nous ne pouvons plus rester ici, et nous nous en allons. Que l'amour de Dieu le Père et la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. » Quand ils eurent fini d'écrire et fermé leur cahier, ils en donnèrent la moitié au grand-prêtre et l'autre à Joseph et à Nicodème. Et aussitôt ils devinrent invisibles, pour la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen !


SAMEDI SAINT : Le Christ notre Roi, le Maître de la Vie est mort

L'ensevelissement, par Delacroix

La complainte de Jésus 
(chant traditionnel corse)

1. O Toi qui dors
dans ce Sépulcre de pierre
,
d’avoir souffert
de coups et blessures
l’atroce martyre
qui t’a fait perdre la vie.
Maintenant tu reposes tranquille
et ta souffrance est finie.

2. Mais moi je suis
dans une flamme ardente,
je brûle et je gémis,
et tout le monde m’entend.
Je sais les lamentations des disciples
et les pleurs d’une Mère.
Je crie vers le Dieu suprême
qu’Il se souvienne de l’Innocent.

Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur,
Aie pitié de moi, pécheur !
3. Et il fut ainsi :

avec un esprit féroce,
avec tant de coups et une violence atroce,
cloué par les mains et par les pieds
par ceux-là qui t’ont mis en Croix,
ô Dieu ! de tant de souffrances,
fais que j’entende ta voix.


4. Aujourd’hui et pour toujours.

Tout cela est fini.
Tu es mort
et déjà, dans Jérusalem,
tous se sont dispersés
pleins de honte.
Mortes sont la foi et la vie.



Les lamentations du Seigneur, en Syrie

La Vierge Marie consolant saint Pierre après le reniement

vendredi 30 mars 2018

VENDREDI SAINT : la Passion, la Mort et l'ensevelissement de Notre Seigneur

Carl Bloch, l'ensevelissement du Fils de Dieu


De Paul Claudel

Tu ne saurais effacer de ton cœur une certaine image,
Et cette image n’est autre que celle imprimée sur le linge de Véronique.
C’est une face fine et longue et la barbe entoure le menton d’une triple touffe.
L’expression en est si austère qu’elle effraie, et si sainte
Que le  vieux péché, en nous organisé,
Frémit jusque dans sa racine originelle, et la douleur qu’elle exprime est si profonde
D'après la sainte Face du Saint Suaire de Turin
Qu’interdits, nous sommes comme des enfants qui regardent pleurer, sans comprendre, le père : il pleure !
Tu voudrais en vain, ô Ivors, déployer devant ces yeux la gloire et l’éclat de ce monde.
Ces yeux qui, en se levant, d’un regard ont créé l’Univers,
Sont maintenant baissés, et de sévères larmes en descendent;
Du front suintent des gouttes de sang.
Mais, considère, ô mon fils, la bouche de ton Dieu, la bouche, ô mon fils, du Verbe.
Quelle amertume elle savoure, quelle parole à elle-même ineffable elle goûte.
Car les lèvres au coin droit s’entr’ouvrent en un sourire atroce.
Comme il pleure de tout son être laissant échapper la salive comme un enfant !
Il n’y a point de pain pour nous, ô mon fils, tandis qu’il nous restera cette douleur à consoler.
C’est la douleur du Fils de l’Homme qui a voulu goûter et revêtir notre crime.
C’est la douleur du Fils de Dieu
De ne pouvoir présenter à son Père tout l’homme dans le mystère de l’Ostension.




jeudi 29 mars 2018

JEUDI SAINT - Institution du Sacerdoce et du Très Saint Sacrement de l'autel



Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « De l’amour de Jésus-Christ au Très Saint Sacrement de l’Autel »

Mosaïques des pains de proposition et de l'encens
dans le Temple de Jérusalem.
Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre
Malheur au monde qui se prive si malheureusement de ce pain céleste !
Malheur à toutes les âmes qui n’ont point une faim extrême, une soif insatiable du Corps et du Sang du Seigneur de toutes choses qui, arrêtées par le désir des choses de la terre, se soucient si peu de la grâce de nos divins mystères.

Ô hommes à quoi pensez-vous ? Jusqu’à quand serez-vous pesants de cœur, préférant les misérables voluptés de la chair et du sang, les faux plaisirs du siècle, aux grandes et véritables délices du Dieu du Paradis ! Pouvoir tous les jours se nourrir d’un Dieu et ne le pas faire, c’est ce qui ne se comprendra jamais par l’âme éclairée. Je le soutiens en face du Ciel et de la terre que le cœur qui aime, mais il est vrai qu’il faut aimer, choisirait plutôt de perdre un empire, tous les honneurs et tous les plaisirs du monde, que de se priver un jour de la sainte communion.

Fête-Dieu au Saint-Sépulcre de Jérusalem présidée par
le Patriarche latin.
Quand c’est l’ordre de Dieu, à la bonne heure ! par obéissance et par soumission, par maladie ou quelque autre empêchement qui arrive dans l’ordre de la divine Providence, mais de s’en retirer par négligence ou par imperfection, c’est ce qui ne se peut entendre ! Quoi, il sera donc vrai que la plupart du monde communie rarement et plusieurs, les malheureux qu’ils sont ne devraient jamais communier, et cela parce que les uns sont attachés à une créature au fol amour du monde, les autres à un désir de vengeance, ceux-ci à leur argent, ceux-là à leurs vanités, et ainsi Dieu, le Dieu de toute grandeur, sera laissé et on lui préférera le rien et le néant.

Ah, Seigneur ! vous le voyez et vous le souffrez, et vous n’en dites mot. Permettez au moins à la dernière des créatures qu’elle parle pour vous : Ouvrez mes lèvres et ma bouche annoncera vos louanges.

Le pélican mystique - Jésus donnant sa chair et son sang en nourriture


dimanche 25 mars 2018

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - Entrée dans la Semaine Sainte



S.Exc.R. Mgr. Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, le dimanche des Rameaux 9 avril 2017

Chers frères et sœurs,

Chers fidèles qui êtes venus de toutes les régions de Terre Sainte, de Jérusalem, de Palestine et d’Israël. Chers pèlerins venus du monde entier pour célébrer avec nous ce jour solennel. Que sur vous tous vienne la paix du Christ ! ~ Que le Seigneur vous bénisse tous !

~ En Lui nous nous sommes compris. Nous n’avons pas besoin de parler la même langue, parce que nos cœurs se sont déjà compris. Aujourd’hui, Jérusalem a vécu et a touché vraiment la joie d’être chrétiens. Aujourd’hui, cette joie, qui reste généralement cachée comme une semence sous la terre, est devenu visible à travers votre présence joyeuse et nombreuse.

Aujourd’hui, comme chaque année depuis deux mille ans, nous sommes entrés avec le Christ dans la ville sainte, retraçant le chemin qu’il a lui-même parcouru il y a deux mille ans, afin de proclamer à tous et d’une voix forte qu’il est notre roi et que nous Lui appartenons. Mais malheur à nous si nous nous limitons à ne parcourir que son chemin géographique, et que nous oublions de le suivre dans sa vie et dans nos vies.

C’est d’ici que Jésus a proclamé sa royauté. Son trône, cependant, n’est pas fondé sur une puissance humaine, mais sur la croix. C’est depuis la croix qu’il a vaincu le monde. A la fin de cette célébration nous recevrons une bénédiction avec une relique de cette même croix qui, du Calvaire, a régné et continue à régner sur le monde.

Si nous voulons le suivre, si nous voulons Lui appartenir, et non pas seulement en paroles, nous devons le suivre jusque-là. « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi » (Mt 10, 38), dit Jésus.

La croix, cependant, n’est pas signe de douleur et de souffrance, elle est avant toute chose la mesure de son amour pour nous. Tel est l’amour qui a vaincu le monde. Le suivre sur la croix signifie aimer selon sa mesure, c’est-à-dire, jusqu’à la fin. Appartenir à son royaume signifie être capable d’amour, comme Lui nous l’a montré.

Le roi Messie qui aujourd’hui entre à Jérusalem jugera tous les peuples assis sur le trône de la croix. Là, il les jugera digne de son amour et de son salut. Il ne sera pas un roi jaloux de ses prérogatives, il n’aura pas à montrer son autorité par la force. Il apportera la paix, et il ne l’apportera pas en faisant la guerre ou en recourant à la violence envers qui que ce soit, mais en prenant sur lui tout le mal, tout le rejet, tout le péché du monde. Rien ni personne ne pourra rester en dehors de cette étreinte infinie. Et comme il le fera par amour, la mort sur lui n’aura aucun pouvoir, parce que tout ce qui est amour est plus fort que la mort. Et la paix viendra de là, d’une réconciliation donnée à tous, sans distinction, sans mérite, et qui nous rendra tous frères de manière égale.

Dans cette ville, où les divisions, la haine et la méfiance semblent toujours l’emporter, et où dans notre vie quotidienne nous expérimentons combien il est difficile de se reconnaitre en tant que frères dans une humanité commune, où l’autre devient parfois une source de menace et de peur, nous chrétiens, nous sommes appelés à dire qui nous sommes et à qui nous appartenons. Nous expérimentons en effet chaque jour des difficultés de toutes sortes : au travail, dans nos déplacements, dans nos familles, dans nos relations de toutes sortes. Tout devient pesant, compliqué, et il difficile de témoigner dans notre vie quotidienne de la joie de la vie chrétienne.
  
Eh bien, aujourd’hui, lors de cette belle célébration, par notre présence, nous annonçons que nous sommes forts et qu’ensemble nous obtiendrons la victoire. Nous n’avons ni pouvoir, ni argent, ni la force d’être un grand nombre. Nous avons seulement le Christ et son amour. Et personne ne peut nous séparer de cet amour auquel nous appartenons (cf. Rm 8,35). Jérusalem restera toujours aussi chrétienne, parce que, malgré les multiples divisions, il y aura toujours de nombreuses petites semences d’amour – les chrétiens – qui, même s’ils sont piétinés, sauront résister. Aujourd’hui, ensemble unis par cet amour que le Christ nous a laissé en héritage, nous nous sentons encore plus forts, parce que nous avons pris un bon bain de joie chrétienne, cette joie de laquelle nous avions besoin pour reprendre des forces sur notre chemin.

Courage allons ! Que le Seigneur nous donne la force et nous donne à tous le courage de l’amour sans mesure.

Bonne Semaine Sainte et belle route à la rencontre du Ressuscité !



samedi 24 mars 2018

Saint Gabriel Archange


Frères des Écoles Chrétiennes, « Vie des Saints », p. 120-121

Gabriel appartient aux plus hautes hiérarchies des esprits célestes ; il assiste devant la face de Dieu, comme il le dit lui-même à Zacharie.
Les missions qui concernent le salut des hommes par l'Incarnation du Verbe lui sont réservées, parce que c'est dans ce mystère, si humble en apparence, qu'éclate principalement la force de Dieu : or le nom de Gabriel signifie Force de Dieu.

Dès l'Ancien Testament, l'Archange a préludé à ce sublime emploi.
Nous le voyons se manifester à Daniel, après la vision qu'a eue ce prophète sur les deux empires des Perses et des Grecs ; et tel est l'éclat dont il brille que Daniel tombe anéanti à ses pieds.
Peu après, Gabriel reparaît encore ; et c'est pour annoncer au même prophète le temps précis de la venue du Messie : Dans soixante-dix semaines d'années, lui dit-il, la terre aura vu le Christ-Roi.

Lorsque les temps sont accomplis, et que le Ciel a résolu de faire naître le dernier des prophètes, celui qui, après avoir averti les hommes de la prochaine manifestation du Divin Envoyé, doit Le montrer au peuple comme l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde, Gabriel descend du Ciel dans le temple de Jérusalem, et prophétise au prêtre Zacharie la naissance de Jean-Baptiste, prélude de celle de Jésus Lui-même.

Après six mois, le saint Archange reparaît sur la terre, et, cette fois, c'est à Nazareth qu'il se montre. Il apporte du Ciel la grande nouvelle. Sa céleste nature s'incline devant une fille des hommes ; il vient proposer à Marie, de la part de Jéhovah, l'honneur de devenir Mère du Verbe éternel.
C'est lui qui reçoit le consentement de la Très Sainte Vierge ; et quand il quitte la terre, il La laisse en possession de Celui qu'Elle attendait comme la rosée des Cieux.

Mais l'heure est venue où la Mère de l'Emmanuel doit donner aux hommes le fruit béni de Ses chastes entrailles. La naissance de Jésus s'accomplit dans le mystère de la pauvreté; toutefois le Ciel ne veut pas que l'Enfant de la crèche demeure sans adorateurs.

Un ange apparaît aux bergers des campagnes de Bethléem, et les convoque au berceau du Nouveau-né. Il est accompagné d'un nombre immense d'esprits célestes qui font entendre les plus ravissants concerts, et chantent : Gloire à Dieu et paix aux hommes !
Quel est cet ange supérieur qui parle seul aux bergers, et dont les autres anges forment comme la cour ? De graves docteurs catholiques nous enseignent que cet ange est Gabriel, qui continue son ministère de messager de la bonne nouvelle.

Fresque de l'Annonciation à la fontaine de Saint Gabriel, Nazareth

vendredi 23 mars 2018

O Chrétien, prend conscience de ta dignité ! Convertis-toi !


Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Science et pratique du Chrétien », chap.3

Mais ce n’est pas là que les excès de l’amour miraculeux d’un Dieu envers le Chrétien s’arrêtent car, secondement, il lui donne la qualité de son enfant.
Vous êtes tous enfants de Dieu, s’écrie l’Apôtre aux Galates. Grande consolation pour les Chrétiens de la plus basse naissance selon le monde puisque, en cette qualité, ils sont tous nés de Dieu, ils sont d’une si grande naissance que les enfants des rois de la terre n’en approchent pas. Saint Louis ce grand roi le savait bien lorsqu’il prenait plaisir de s’appeler du lieu où il avait reçu la qualité d’enfant de Dieu, par le saint Baptême.

Le retour de l'enfant prodigue, par Batoni, détail
Or cette qualité si glorieuse, si divine, est possédée véritablement par un chétif laboureur, par un pauvre artisan, par un misérable mendiant, s’ils sont Chrétiens. O faveur qui excède toute faveur qu’un Dieu appelle l’homme son fils, et que l’homme appelle Dieu son Père, et que non seulement il l’appelle son Père mais, qu’en vérité, il soit son enfant.

Cette véritable qualité d’enfant de Dieu lui donne en troisième lieu celle de son héritier, d’héritier de son Royaume, et de cohéritier de Jésus Christ.