vendredi 11 novembre 2016

11 novembre - Saint Martin de Tours et commémoration de l'Armistice

Saint Martin, priez pour la France et l'Europe !
Extraits de la lettre encyclique « Ad beatissimi Apostolorum Principis », de Sa Sainteté le Pape Benoît XV

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique ;

A peine fûmes-Nous appelés par les secrets desseins de la Providence, sans aucun mérite de Notre part, à Nous asseoir sur le Siège du bienheureux Prince des Apôtres, que ~ Nous tournâmes Nos regards, avec une souveraine affection, vers le troupeau confié à nos soins, troupeau immense en vérité, puisqu’il embrasse, sous un aspect ou sous un autre, l’universalité des hommes.

Tous tant qu’ils sont, en effet, ils ont été rachetés de la servitude du péché par Jésus-Christ, qui a offert pour eux le prix de son sang, et il n’en est aucun qui soit exclu des bienfaits de cette rédemption. C’est pourquoi le divin Pasteur a pu dire de tout le genre humain, que pour une part Il le garde déjà enfermé dans l’enceinte de son Eglise, et que l’autre se verra forcée d’y entrer par les douces contraintes de son amour ~. Aussi, Nous ne vous le cacherons pas, vénérables Frères, le premier sentiment que Nous avons éprouvé, sous l’impulsion évidente de la divine bonté, a été un mouvement irrésistible d’amour et de zèle pour travailler au salut de tous les hommes, si bien qu’en acceptant la charge du Souverain Pontificat Nous faisions Nôtre le vœu exprimé par le Sauveur, à la veille de sa passion ~. 

"En détruisant les temples de Dieu, vous provoquez la colère divine,
devant laquelle les armées les plus puissantes perdent tout pouvoir"
Or, dès que Nous eûmes, du sommet de la dignité Apostolique, embrassé d’un regard le cours des choses humaines, Nous fûmes saisis d’une vive douleur, en contemplant les déplorables conditions de la société civile. Comment, en effet, étant devenu le Père commun de tous les hommes, n’aurions-Nous pas eu le cœur violemment déchiré au spectacle que présente l’Europe et même le monde entier, spectacle assurément le plus affreux et le plus désolant qui se soit jamais vu de mémoire d’homme ? ~ De tous côtés domine la triste image de la guerre, et il n’y a pour ainsi dire pas d’autre pensée, qui occupe les esprits. Des nations - les plus puissantes et les plus considérables - sont aux prises: faut-il s’étonner si, munis d’engins épouvantables, dus aux derniers progrès de l’art militaire, elles visent pour ainsi dire à s’entre-détruire avec des raffinements de barbarie ? Plus de limites aux ruines et au carnage: chaque jour la terre, inondée par de nouveaux ruisseaux de sang, se couvre de morts et de blessés.

A voir ces peuples armés les uns contre les autres, se douterait-on qu’ils descendent d’un même Père, qu’ils ont la même nature et font partie de la même société humaine ? Les reconnaîtrait-on pour les fils d’un même Père qui est aux Cieux ? Et tandis que des armées immenses se battent avec acharnement, la souffrance et la douleur, tristes compagnes de la guerre, s’abattent sur les Etats, sur les familles et sur les individus: chaque jour voit s’augmenter outre mesure le nombre des veuves et des orphelins; le commerce languit, faute de communications; les champs sont abandonnés, l’industrie est réduite au silence; les riches sont dans la gêne, les pauvres dans la misère, tous dans le deuil.

~ Nous avons donc adressé d’instantes prières aux Princes et aux gouvernants, afin que, considérant combien de larmes et de sang la guerre a déjà fait répandre, ils se hâtent de rendre à leurs peuples les précieux avantages de la paix. Daigne le Dieu des miséricordes faire en sorte, que résonnent, à l’aube de Notre Pontificat, comme à la naissance du divin Rédempteur, dont Nous sommes le Vicaire, les paroles du concert angélique: Paix sur la terre aux hommes de sa bonne volonté.

Puissions-Nous être entendus par ceux qui ont en mains les destinées des peuples ! Il y a, sans nul doute, d’autres voies, d’autres moyens, qui permettraient de réparer les droits, s’il y en a eu de lésés. Qu’ils y recourent, en suspendant leurs hostilités, animés de droiture et de bonne volonté. C’est Notre amour pour eux et pour toutes les nations, qui Nous fait parler ainsi, nullement Notre propre intérêt. Qu’ils ne laissent pas tomber dans le vide cette prière d’un Père et d’un ami.

Mais ce n’est pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos alarmes. Il y a un autre mal, inhérent aux entrailles mêmes de la société humaine, un mal funeste, qui épouvante toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu’il a déjà produits et qu’il produira encore dans les différents Etats, on peut le considérer à bon droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente. En effet, depuis que les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une conséquence nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s’en est suivi dans les idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir en aide.

Voici en effet ce que Nous voyons : absence de bienveillance mutuelle dans les rapports des hommes entre eux; mépris de l’autorité; luttes injustes des différentes classes de citoyens; appétit désordonné des biens périssables, comme s’il n’y en avait pas d’autres, supérieurs de beaucoup, proposés à l’activité humaine. Tels sont, à Notre avis, les quatre chefs de désordre, d’où proviennent les perturbations si graves de la société, et contre lesquels doivent se réunir tous les efforts, par le recours aux principes du christianisme, si l’on veut sérieusement ramener dans les Etats l’ordre et la paix.

Et d’abord, lorsqu’Il descendit du ciel précisément pour rétablir parmi les hommes le règne de cette paix, détruite par la jalousie de Satan, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne voulut pas d’autre fondement pour cette restauration que celui de la charité. De là ces recommandations si souvent répétées ~ que d’amener les hommes à s’aimer les uns les autres.

~ Jamais peut-être, plus que maintenant, on n’a parlé de fraternité humaine: on n’hésite même pas à laisser de côté les enseignements de l’Evangile, l’œuvre de Jésus-Christ et de l’Eglise, et à prétendre, quand même, que ce zèle pour la fraternité est un des fruits les plus précieux de la civilisation moderne. Cependant, à dire vrai, jamais la fraternité n’a été moins pratiquée que de nos jours. Les haines de race sont portées au paroxysme; les peuples sont divisés par leurs rancunes encore plus que par leurs frontières; au sein d’une même nation et dans les murs d’une même cité, les différentes classes de citoyens se jalousent mutuellement, et chez les individus tout est réglé par l’égoïsme devenu la loi suprême.

 ~ Du jour en effet où on a voulu placer l’origine de tout pouvoir humain, non plus en Dieu Créateur et Maître de l’Univers, mais dans la libre volonté de l’homme, les liens de subordination qui doivent rattacher les inférieurs aux supérieurs se sont affaiblis au point de disparaître ou peu s’en faut.


~ Quiconque par conséquent est dépositaire du pouvoir parmi les hommes, qu’il soit souverain ou subordonné, c’est en Dieu que réside l’origine de son autorité.

~ Avis aux Princes et aux gouvernants : qu’ils se souviennent, et qu’ils voient s’il est prudent et d’une utilité pratique, tant pour les pouvoirs publics que pour les Etats, de se séparer de la religion sainte de Jésus-Christ, en qui leur puissance puise tant de force et de solidité. Qu’ils fassent réflexion sur réflexion, et qu’ils considèrent s’il est conforme à une sage politique de vouloir exclure la doctrine de l’Evangile et de l’Eglise du gouvernement et de l’instruction publique de la jeunesse. L’expérience ne l’a que trop démontré: l’autorité des hommes est sans force, là où la religion est absente. Il en est en effet des sociétés comme de notre premier père, une fois qu’il eut manqué a son devoir.

A peine sa volonté s’était-elle séparée de Dieu, que ses passions répudièrent avec frénésie l’empire de la volonté; de même, à peine les gouvernements ont-ils méprisé l’autorité divine, que les peuples se moquent à leur tour de l’autorité humaine. Il reste sans doute l’expédient accoutumé, l’emploi de la force, pour réprimer les révoltes; mais avec quel profit ? La force peut réprimer les corps, mais non les âmes.

~ Quelle est cette racine maudite, l’Apôtre nous l’enseigne: la racine de tout mal est la cupidité. Et de fait, si l’on y réfléchit, c’est à cette racine que se rattachent les maladies qui travaillent la société présente. Une fois en effet que par l’action des mauvaises écoles sur l’âme des petits enfants, malléables comme la cire; par la perversité des écrivains, qui journellement ou par intervalles corrompent l’esprit des foules inexpérimentées, et par tous les autres moyens employés pour former l’opinion publique, une fois, disons-Nous, qu’on a fait pénétrer dans les esprits cette erreur souverainement pernicieuse, que l’homme n’a pas à espérer en un état de félicité éternelle; qu’ici-bas, oui, ici-bas, il peut être heureux en jouissant des richesses, des honneurs, des plaisirs de cette vie; comment s’étonner si ces êtres humains, naturellement faits pour le bonheur, violemment attirés, comme ils le sont, vers ces biens passagers, repoussent avec non moins d’énergie tout obstacle, qui en retarde ou en empêche la conquête ?

Eglise de Lunéville, vitrail
~ Et maintenant, vénérables Frères, en terminant ces Lettres, Notre esprit se reporte spontanément vers ce que Nous écrivions au début; et, de nouveau, Nous appelons de tous nos vœux, en faveur de la société humaine et en faveur de l’Eglise, la fin de cette guerre si désastreuse; en faveur de la société humaine, afin qu’une fois la paix rétablie, elle progresse vraiment dans toute culture civile et humaine; en faveur l’Eglise de Jésus-Christ, pour que, libre enfin de toute entrave, elle aille sur tous les rivages et en toutes les parties du monde apporter aux hommes le secours et le salut. Hélas ! depuis trop longtemps déjà l’Eglise ne jouit plus de la pleine liberté qui lui est nécessaire.

 ~ Puisque c’est dans les mains de Dieu que sont les volontés des Princes et de tous ceux qui peuvent mettre fin aux horreurs et aux désastres que nous avons rappelés, il Nous reste, vénérables Frères, à élever vers Dieu Notre voix suppliante et à Nous écrier au nom de tout le genre humain : "Donnez, Seigneur, la paix à notre temps".

~ Que la bienheureuse Vierge Nous soit propice, Elle qui a engendré le "Prince de la Paix", et qu’Elle prenne sous sa protection maternelle Notre humble personne, Notre ministère pontifical, la sainte Eglise et les âmes de tous les hommes, rachetées par le sang précieux de son divin Fils.

~ Donné à Rome, près saint-Pierre, en la fête de Tous les Saints, ce 1er Novembre 1914, de Notre Pontificat la première année.

Benoît XV, pp.



Portons avec fierté les bleuets de France, pour honorer la mémoire de tous ceux
qui ont donné et donnent leur vie pour la paix de notre pays.

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