mercredi 11 novembre 2015

11 novembre - Saint Martin de Tours, priez pour la France et les enfants de France qui ont donné leur vie pour elle

Armistice
La « Semaine catholique » du Diocèse de Paris, année 1918, pp. 861-863

S.Em.R. Mgr le Cardinal Amette, procession dans les rues de Paris.
La signature de l’armistice qui a mis fin à la guerre, à l’épouvantable tuerie qui ensanglantait l’Europe depuis plus de quatre ans, provoquait le 11 novembre une joie universelle, unanime, dont la presse quotidienne a relaté toutes les manifestations. Mais il convient de dire ici que les éclats de joie de la rue n’ont pas tout à fait étourdi les âmes qu’anime un vif sentiment de reconnaissance envers nos héros morts pour le salut de la France sur le champ de bataille, envers Dieu, aussi, qui de leur sang a fait germer la victoire, et c’est pourquoi ce même lundi 11 novembre la foule, les mains chargées de fleurs, envahissait nos cimetières et, au salut du soir, emplissait nos églises.

Ces hommages spontanés du souvenir et de la reconnaissance il convenait de les coordonner, de les grouper, de les faire exploser en des manifestations officielles qui fussent l’expression grandiose des sentiments des collectivités, des cités de la France entière. A Toulouse, comme à Paris, comme dans la plus humble des bourgades, ces manifestations ont eu lieu dimanche dernier.

Après le bombardement de Paris, le Vendredi
Saint, le Cardinal Amette bénissant le corps
des fidèles défunts.
II s’agissait, d’abord, d’honorer dans nos cimetières la dépouille des vaillants qui ont ramené la victoire sous nos drapeaux et dont la bravoure a forcé l’ennemi à se soumettre aux conditions dures pour lui de la paix. De cette première manifestation, du cortège imposant auquel ont pris part toutes les autorités civiles et militaires, l’autorité ecclésiastique aussi les diverses Sociétés, l’Académie, les Ecoles, les Associations si nombreuses de notre ville, manifestation dont tout Toulouse a été le témoin ému et reconnaissant, nous ne dirons rien de plus les journaux quotidiens en ayant très largement rendu compte dès la première heure, mais on comprendra que nous ne limitions pas ici à quelques lignes la relation de la manifestation religieuse qui a été le couronnement de cette inoubliable journée.

Honneur, reconnaissant et pieux souvenir à ceux qui sont tombés, mais honneur aussi, louange et gratitude au Dieu que nous n’avons pas invoqué en vain et qui nous a donné la victoire. Aussi, la France chrétienne attendait-elle non sans impatience le moment où ses évêques ouvriraient ses lèvres au "Te Deum" de l’allégresse religieuse, de la reconnaissance filiale. Et c’est encore dimanche que le "Te Deum" était chanté dans toutes nos églises de France. Cette fois, comme aux plus grands jours de fête, nos églises, même les plus vastes, n’ont pu contenir la foule qui, de retour de la manifestation qui venait de s’achever au cimetière, s’est rendue à flots pressés au pied des autels pour faire monter vers Dieu l’hymne triomphal de l’action de grâces.

La Cathédrale Notre-Dame de Paris,
décorée pour l'Armistice et le Te Deum
A la métropole, le "Te Deum" a été chanté vers les quatre heures. A ce moment, dans la vaste nef flamboyante de drapeaux et de lumières, dans le chœur, dans les bas-côtés, il eût été difficile de trouver place.

Après le chant des Complies, le clergé a précédé Monseigneur l’Archevêque (NB. Son Em. R. le Cardinal Amette) à l’autel de paroisse où le Saint Sacrement était exposé et la maîtrise a exécuté un chant de circonstance, le "Sanctus" de Dubois.

Puis, Monseigneur l’Archevêque, revêtu de la chape et crosse en main, a gravi les degrés de l’autel et, d’une voix vibrante d’émotion, qui a dû atteindre les confins de l’auditoire, a prononcé une brève allocution de circonstance, jaillie spontanément de son cœur d'Évêque et de Français, allocution dont le texte fidèle nous fait défaut mais que nous croyons pouvoir reproduire, sans trop d’inexactitude, dans les termes suivants:

« Avant d’entonner le "Te Deum", permettez-moi, Mes Très Chers Frères, de vous ouvrir mon cœur d’Evêque et de Français.

« Déjà, dans la lettre que je vous ai écrite et qu’on vous a lue ce matin, je vous ai dit ma joie immense pour la victoire gagnée et pour la paix qui s’annonce : ce magnifique auditoire me dit combien nos cœurs battent à l’unisson.

« Je vous ai dit aussi mon admiration pour nos grands chefs, pour nos alliés, pour nos soldats, pour nos héros, vos fils, vos époux, vos frères, et votre enthousiasme, je le vois, est à son comble !

Photo de soldats dont la plupart ont offert leur vie
pour notre pays.
« Mais au-dessus de la joie, au-dessus de l’admiration : il est un sentiment qui doit dominer tous les autres et, à cette heure, déborder de nos cœurs, c’est la reconnaissance envers Dieu! Car il faut le reconnaître, il est des entreprises qui sont au-dessus des forces humaines, qui exigent nécessairement, avec l’action de l’homme, le secours de Dieu. Eh bien, oui, c’est de Dieu, par nos sacrifices, que nous tenons la victoire. C’est Dieu qui nous a arrachés aux convoitises des barbares, c’est Dieu qui nous a sauvés !

« Mais, il a fait mieux encore - marquant ainsi ses desseins sur notre pays - il a fait de la France, « soldat de l’humanité » si l’on veut, mais, pour cela même, aujourd’hui comme hier, « soldat de Dieu », l’instrument vengeur de sa justice outragée contre les violateurs du droit, de la conscience et de l’honneur.

« Il nous a donné, à n’en pas douter, la mission de châtier l’iniquité, et d’assurer au monde bouleversé le règne de l’équité la sécurité dans l’ordre, le bien suprême de la paix.

« Quel meilleur moyen avons-nous de témoigner à Dieu notre gratitude, sinon de nous faire désormais les propagateurs, les modèles des vertus sans lesquelles les nations ne sauraient subsister. Oui, le respect du droit, le sentiment de la justice, la rectitude de la conscience que le contact impudent avec l’ennemi avait, chez quelques-uns, hélas ! trop sensiblement altérés.

Montréal, l'Ange de la victoire accueillant au Ciel
un soldat qui a donné sa vie pour la liberté de son pays.
« Que ce respect de la justice, que ce culte d’une conscience droite demeurent à jamais notre bien national et notre honneur. La conscience, dit saint Augustin, c’est Dieu dans l’âme humaine. Il n’y a pas de conscience là où Dieu n’habite pas.

« Dès lors, la résolution qu’il faut prendre, comme témoignage de notre reconnaissance, c’est de ne jamais nous séparer de Dieu, c’est de le mettre au plus intime de nous-même, c’est de l’aimer et de le faire aimer. Gardez-le, donnez-le à vos enfants, mettez-le dans les jeunes âmes, si vous voulez assurer leur bonheur ; faites-lui aujourd’hui celte solennelle promesse. Que cette belle fête ne soit pas un simple feu de joie, que votre reconnaissance ne soit pas éphémère mais qu’elle s’affirme tous les jours davantage par une fidélité qui sera la preuve de la vitalité de notre roi, de la constance de nos cœurs et, pour notre chère France, le présage des jours prospères que lui auront mérité, à la fois, pendant ces quatre années d’héroïques sacrifices et d’incessante supplications, le sang et la prière de ses enfants. »

Portons fièrement le bleuet de France, signe de notre
admiration et de notre reconnaissance pour nos soldats
Après cette allocution, Sa Grandeur descend au bas de l’autel et entonne le "Te Deum" dont les versets sont alternés par le chœur et par les grandes orgues. Dès les premiers versets, un frémissement agite l’assistance ; on a entendu des roulements de tambours sur la place-voisine : ce sont les Cadets qui rentrent du cimetière et voici que, fendant la foule, cinq délégations des armées alliées se dirigent, drapeau en tête, vers le sanctuaire qu’elles bordent en entier, qu’elles encadrent dans le décor guerrier de leurs étendards, hier à la peine, aujourd’hui à l’honneur.

Après la bénédiction du Très Saint Sacrement, un "De profundis" est chanté pour les soldats défunts que l’Eglise n’oublie pas, qu’elle n’oubliera jamais, et la cérémonie s’achève par un chœur final, le "Psaume 150" de Franck.

Le 17 novembre 1918 demeurera, en vérité, une date mémorable pour notre chère cité qui a su célébrer magnifiquement, unanimement aussi, dans ses cimetières et dans ses églises la grande, « journée » nationale de la reconnaissance.


Le bleuet pour la France, le coquelicot pour le Royaume-Uni et la marguerite pour la Belgique.
"Ô mort, où est ta victoire ?"



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